Derriére l’école Brousse, sur le faubourg Figuerolles à Montpellier, il existe une étroite cour, qui est en fait un tronçon de petite rue, devenue d’abord une impasse, l’impasse Saint Joseph (on est en plein quartier des Saints), peut-être à la suite de l’aménagement de la voie ferrée (aujourd’hui avenue de la Liberté). Par la suite, cette impasse fut annexée par les divers propriétaires et un petit morceau fait partie du patrimoine de l’architecte Michel Riboulet, le directeur de l’école Brousse. Il m’y a signalé un vestige fort étrange : il s’agit d’une muraille, légèrement inclinée vers l’arrière, munie à mi hauteur d’une bouche destinée à l’écoulement des eaux pluviales. Cette muraille est parallèle au faubourg et, par son côté massif, a toutes les apparences d’une fortification. Mais que diable vient faire ici cette fortification, que personne n’a jamais signalée ? Que sont devenus les autres murs ; qui les a détruits et pourquoi ?

       

C’est ce mystère que Michel Riboulet nous laisse sur les bras. Pas facile à élucider. En effet, le quartier Figuerolles apparaît quasiment vide de toute construction jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, date de l’édification des plus anciennes maisons du quartier des Saints. Or une de ces maisons a utilisé un mur apparemment sorti de nulle part. Mais relisons l’histoire de cette partie de la ville.

Après le siège et la reprise de Montpellier en 1622, Louis XIII ordonne la démolition de l'enceinte bastionnée qui défendait la ville protestante. De 1622 à 1650 une palissade avec son fossé vient renforcer la première enceinte des remparts, entre lesquels s’installent les premières parcelles de jardins. Cette palissade est dressée sur l’actuel cours Gambetta, qui sera utilisé ensuite comme jeu de mail. Ce jeu s'étend sur 600m environ avec deux pistes séparées par un mur et agrémentés de plantations. En 1657, le comte de Roure, alors commandant de la ville, propose l'utilisation de l'ancien emplacement du jeu de mail pour créer une promenade plantée d'arbres. Elle sera inaugurée pour la visite de Louis XIV en 1660.

En 1695, les Etats de la Province décidèrent d’y bâtir des Casernes. Elles comptèrent au début de 5 à 600 soldats. Vers le milieu du XVIIIème siècle, elles devinrent insuffisantes et il fallut les agrandir. Tout le quartier relève dans sa toponymie de la présence des casernes puisque les rues limitrophes portent des noms de généraux originaires de Montpellier. L'ancien faubourg de la Saunerie (actuellement boulevard Georges Clemenceau) était la zone de développement urbain à la fin du XVIIème siècle,

Un décollage de l’essor démographique s’annonce vers 1840 en raison du rôle administratif et économique de Montpellier, en tant que capitale régionale. Cet exode génère une prolifération de constructions nouvelles : le faubourg Figuerolles s’étire et on assiste au percement de nombreuses rues privées par des propriétaires.

Ceci pose le problème du coût de leur reprise (rues ouvertes à la guise des propriétaires, aucune autorisation, aucun alignement sur la voirie existante, voies et chemins insalubres, dangereux et sans nivellement). Au milieu du XIXème siècle le problème principal de l’aménagement urbain de Montpellier provient de la politique municipale même, car celle-ci privilégie les opérations prestigieuses menées dans le centre urbain et les faubourgs les plus actifs, les autres secteurs sont plus ou moins laissés à l’abandon, ou plutôt, laissés aux mains des propriétaires qui n’en font qu’à leur guise. Ce plan d'ensemble n'est pensé dans sa totalité qu'à partir de 1862, ce qui permet le contrôle des nouveaux alignements créés par des particuliers.

On a donc fait le tour des choses : Figuerolles est un quartier relativement récent, les premières maisons y apparaissent vers 1780 (Gérard Cholvy). Il ne cessera de s’agrandir et de s’allonger, les rues privées seront soit à la charge de leur propriétaire ou co-propriétaires (c’est encore le cas pour le quartier des Saints), soit passeront dans le domaine public au fil du temps.

Mais toujours rien pour cette fameuse muraille… C’est alors qu’un détail sur la plus ancienne des cartes que j’ai pu trouver (1600) attira mon attention. Elle montre elle aussi une zone vide de constructions, occupée par des champs et des jardins. Mais elle indique, à l’emplacement signalé par M. Riboulet, un petit symbole carré, qui pourrait représenter une enceinte fortifiée. En effet, il y avait là, attesté par le plan de la ville tracé par Charles d’Aigrefeuille vers 1600 (avant les guerres de religion), un bastion fortifié que cette carte nous signale sous le nom « Les Prouillanes » (tenu par les dominicaines de Prouilhe, venues de Fanjeaux). Nous en avons retrouvé ici la trace, elle se situe à l’arrière de ce qui fut l’école de communication, d’arts graphiques et d’arts appliqués Paul Brousse (ouverte en 1984, devenue galerie en 2011), située au 50 bis, faubourg Figuerolles.. Or que nous est-il dit qu’il arriva en 1622 : la destruction de tous les bastions qui entouraient la ville, ordonnée par Louis XIII...