Figuerolles/Plan-Cabanes - La restauration du quartier fait grincer des dents

40 000 euros pour racheter son 50m2: c'est ce qu'on propose à Sylvie Vinay, qui n'est pas d'accord et le fait savoir en manifestant sur le toit de son immeuble.

          

Le lundi 19 avril 2010 à 17 heures, Sylvie Vinay, assistante d'éducation scolaire, a un coup de sang. Venue de la Drôme chercher ses dernières affaires dans l'appartement dont elle est propriétaire 7, rue Guillaume-Pellicier, à la lisière des quartiers Figuerolles et Plan-Cabanes, elle apprend par un coup de téléphone d'un ami venu la rejoindre qu'il ne peut pas entrer : des maçons sont en train de murer la porte de son immeuble. C'en est trop. La veille, la dame a découvert son appartement porte enfoncée, ouvert à tous les vents. Dans l'impossibilité d'y passer la nuit elle est partie dormir... sur la plage. Ce lundi, d'une fenêtre du premier étage, elle crie aux ouvriers qui s'affairent sur la porte d'entrée : "Cassez le mur avant que le ciment ne sèche !" Le chef du chantier, qui se présente comme "le propriétaire de l'immeuble", ne veut rien entendre : "On appelle les pompiers. C'est eux qui viendront vous faire sortir !" Sylvie Vinay est scandalisée. N'étant ni timide ni timorée, elle décide illico de crier haut et fort son indignation. Comme, par ailleurs, elle a l'expérience de la varappe et ignore le vertige, elle grimpe sur le toit de l'immeuble et, à pleine voix, ameute les passants en contrebas : "C'est une honte ! Je suis emmurée ici alors que je suis propriétaire d'un appartement qu'on veut m'acheter pour une bouchée de pain !"

Tractations chaotiques Les pompiers sont arrivés. La police aussi. Également l'adjoint au maire Patrick Vignal. Des tractations s'engagent, chaotiques. Sylvie Vinay veut bien descendre mais exige de sortir la tête haute, par la porte. Finalement, les pompiers pénètrent dans l'immeuble pour se saisir d'elle vers 23 heures : "Je préfère que ce soit vous que les flics. Je ne suis pas une terroriste !" Le cas de Sylvie Vinay n'est pas isolé au Plan-Cabanes. Depuis 2005 avec la Mission Grand Coeur, la Ville a entrepris de réhabiliter les immeubles les plus insalubres. Une manière d'introduire encore un peu plus de mixité sociale dans ce quartier où population d'origine d'Afrique du Nord et "bobos" cohabitent déjà sans problème. Opération délicate que la Serm (Société d'équipement de la région de Montpellier) mène sur tous les fronts. Elle cible les immeubles à restaurer, achète des appartements, négocie des conventions, pousse les locataires au départ (en leur proposant un autre appartement), puis, dans les immeubles progressivement vidés, orchestre les travaux de réhabilitation. Le tout dans un climat qui mêle incitation et coercition.

40 000 euros pour un F2 À l'évidence les petits propriétaires ne sont pas à la fête. À Fatia Hafid, secrétaire comptable, la Serm offre, sur la base des barèmes des Domaines, 40 000 euros pour le F2 qui lui appartient dans l'immeuble du 7 de la rue Pellicier : "Même pas, enrage-t-elle, de quoi m'acheter un studio." Depuis septembre, Sylvie Vinay négocie pied à pied avec la Serm le rachat de son 50 mètres carrés. À elle non plus, les 40 000 euros proposés ne conviennent pas : "Et en plus, le syndic me convoque devant le tribunal pour que je paye 35 000 euros de travaux de réhabilitation à venir !" Aujourd'hui, Sylvie Vinay n'est pas mécontente de son coup d'éclat : "Moi qui pratique le théâtre de rue, je l'ai fait monter sur les toits."

Jacques Molénat

Sportive et militante Depuis cinq ans Sylvie Vinay vit à Romans-sur-Isère (Drôme), mais Montpellier reste la ville de coeur de cette femme de tempérament sportive et militante qui pratique l'escalade et le théâtre de rue. À Montpellier, elle a donné de la voix avec la Maison des chômeurs et les militants du Droit au logement qui, avenue de Lodève, occupèrent le chantier du nouveau siège de la Caisse régionale d'allocations familiales. Elle fut même candidate aux élections municipales de 1995 dans la liste "Bien fraîche" de l'ancien Monsieur Rock de la Ville, le disquaire contestataire Alain Voyer. Cette fois, c'est pour elle-même que Sylvie Vinay pousse un "coup de gueule", en "petite propriétaire, victime, assure-t-elle, de l'injustice". J. M.