Thierry Arcaix

Communication, culture et patrimoine

 

La Grande Maison

  1. Contre la prise du pouvoir par les plus pauvres
  2. Les références architecturales
  3. Le parti pris des façades
  4. La grande Maison, un symbole protecteur et fraternel
  5. 1939, l'inauguration des 25 logements
  6. Vue aérienne

La première HBM, Habitation à Bon Marché, de Montpellier (dite la « grande maison »), sera construite en haut du faubourg Figuerolles à la fin des années 30. Comme toujours, il s’agissait autant d’un projet politique que d’un projet social.

grandemaison

1- Contre la prise du pouvoir par les plus pauvres

Pour l’Office des HBM, le logement social est un moyen de lutte contre la prise de pouvoir par le prolétariat : « En satisfaisant un certain nombre de besoins de celui-ci, on le détourne de la révolte et de la propagande socialiste … » (Publication de l’Office des HBM en 1937) .

L’aspect nouveau est la prise en compte des travailleurs vus comme locataires et comme clientèle d’un service. La clientèle visée n’est pas de Figuerolles, mais c’est l’ensemble de la classe populaire et ouvrière de Montpellier qui est concernée. Il s’agit surtout de tous les locataires potentiels ayant un degré de solvabilité supérieur à celui des gens du quartier. Les raisons qui ont poussé la ville à choisir Figuerolles sont autant d’ordre politique que financier. D’une part, il faut gagner un certain pouvoir sur le quartier, d’autre part, le terrain y est bon marché.

L’HBM sera donc construite dans un quartier populaire qui vit les retombées de la crise viticole, où s’installe peu à peu la population gitane dans les maisons abandonnées par les ouvriers agricoles. C’est grâce à cela que l’HBM a pu être construite ici. Dans les quartiers où la classe moyenne était plus puissante et davantage représentée, cette construction aurait été vue comme un signe de dévalorisation et certainement combattue.

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2- Les références architecturales.

Dans la HBM, on retrouvera le parti pris général du familistère de Godin à Guise, avec l’existence d’un espace collectif, un bâtiment ouvrier monumental bien organisé, avec des éléments de confort pour la vie communautaire. On y reconnaît aussi le travail des hygiénistes attentifs au degré d’insalubrité et au taux de maladies tuberculeuses que connaît le faubourg à cette époque. Les façades s’inspirent des ordres et du style des types haussmanniens. Les rez-de-chaussée devront être affectés à des logements ou à des boutiques mais pas à des commerces bruyants ou comportant une consommation sur place (sauf restaurants et pâtisserie).

La réalisation prévoit un bâti en fer à cheval autour d’une cour, correspondant à 100 logements. L’ensemble sera positionné à l’angle de deux rues : rue des Ecoles (aujourd’hui rue de la Commune clôture) et la rue du Faubourg. Au final, il y aura une zone de logements en forme de U, réalisée en deux tranches (1937 et 1947) et on y rajoutera en bout d’aile une dizaine de logements mieux équipés en sanitaires (1957). L’élément caractéristique de ces logements est la cuisine centrale, concentrant et cristallisant la vie familiale. Elle varie entre 16 et 25 m². De cette pièce on accède aux WC sans l’intermédiaire d’un sas. Généralement, une chambre à coucher est directement reliée à la cuisine. Malgré le système de desserte qui rend quelques pièces indépendantes, le mode d’occupation suggéré est de type familial. Il n’y a pas de séparation entre les pièces de jour et de nuit ni de rupture entre services et repos. L’HBM ne semble pas reprendre les espaces connotés de l’appartement bourgeois avec ses zones intimes non vues et ses pièces d’apparat en représentation. Le modèle est strictement familial. Ces changements coïncident aussi avec l’apparition de la famille restreinte comme mode de vie.

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3- Le parti pris des façades

Une des recommandations était d’éviter l’image de la caserne ouvrière. L’office souhaitait y voir « de la simplicité et de la vérité : façades simples et sobres, exprimant la destination de l’édifice et son aménagement intérieur ». Au soubassement, rez-de-chaussée et boutiques, un premier étage avec ornement de briques, puis les quatre autres avec leur jeu d’ouvertures horizontales et verticales qui mettent en évidence leur côté monumental et leur couronnement : le toit. La réduction au minimum du prix de revient élimine les matériaux de luxe et l’emploi d’éléments décoratifs. Les pouvoirs publics ont voulu que l’HBM soit un signe net dans son rapport au quartier, avec une volonté forte de créer un îlot avec façades sur rue et façades sur cour. L’alignement, la position, le traitement de l’angle et son échelle ont fait à l’époque et pendant longtemps de la HBM une borne de référence. Elle est devenue une porte du faubourg, en réplique à celle constituée de l’autre côté par les immeubles de la place Salengro.

4- La Grande Maison, un symbole protecteur et fraternel.

GMFort de sa réputation de quartier louche et de son essence subversive, le faubourg a été le refuge des déserteurs de la guerre de 14-18. Dans le désordre naturel et original du quartier, ceux que les bien-pensants et bourgeois appelaient la mauvaise graine purent s’insérer. Mais Figuerolles n’est pas qu’un simple asile. Chargé des acquis des luttes viticoles de 1907, il se trouve après la trop courte épopée du Front Populaire enrichi d’un symbole protecteur et fraternel : « La Grande Maison ». Elle sera tour à tour refuge, repère, cocon, condensateur, catalyseur, foyer et résolument le point central du faubourg. Hier encore nommée « le repère des rouges », le sang (cent) faubourg Figuerolles sera le poing de départ de multiples aventures humaines. Elle permettra de passer de la familiarité à l’exercice de la solidarité. Avec la seconde guerre mondiale, s’affirme définitivement l’aptitude à la résistance, et ce avec autant de ferveurs militantes que dans les maquis. L’activité débordera vite les limites de la Grande Maison pour se prolonger et prendre racine dans les rues fraternelles. Le droit à la rue a été largement affirmé. Les gens s’offraient en spectacle à eux-mêmes, sortant du champ étroit de leur intimité, vivaient du débordement des sentiments et de la solidarité. Le quartier s’est ainsi identifié et a construit lutte après lutte sa propre identité. Exclu du pouvoir, il s’est constitué sa force par la farce, la dérision et la subversion à travers sa condition de marginalité.

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5- 1939, l ’inauguration des 25 logements

Compte rendu de l’Office Public « C’est par une magnifique journée de juillet qu’a eu lieu l’inauguration de la première tranche de 25 logements de l’immeuble collectif, que l’Office Public de HBM de la Ville de Montpellier a fait édifier, au numéro 100 du Faubourg Figuerolles. Admirablement situé, sur un terrain perméable, éloigné de toute agglomération malsaine, la superbe construction est exposée de tous côtés au soleil et à la lumière, avec dans le proche horizon, quelques massifs de grands arbres, lui faisant une sorte de rideau de verdure du plus bel effet. Dans la cour de l’immeuble, décorée avec goût, se pressait, autour du président de l’Office, entouré du Conseil d’Administration, une nombreuse assistance, composée surtout de personnalités montpelliéraines, dévouées au bien public qui, par leur présence, avaient voulu témoigner de l’intérêt qu’elles portaient à cette réalisation de la lutte contre le taudis. Successivement, prirent la parole : M. Jean Zucarelli, maire de Montpellier, M. le docteur Jean Boulet, député de l’Hérault, M. Malet, Président de la Chambre de Commerce et M. le Doyen Astruc, Président de l’Office. En fin de cérémonie, un groupe de gentils enfants, habitant l’immeuble, sous la conduite de leurs parents, vinrent offrir un superbe bouquet de fleurs naturelles à M. le Maire qui s’empressa d’en faire présent à Mme Astruc, Présidente de l’œuvre Montpelliéraine des Enfants à la Montagne, bien connue dans notre ville pour son inlassable dévouement à toutes les œuvres qui s’occupent de l’enfance malheureuse. Et, pour terminer, l’assistance fut appelée à visiter divers appartements parmi ceux loués à des familles nombreuses ; ce fut pour tous une très grande satisfaction que de constater avec quelle joie ces derniers avaient pris possession de gais logements, où elles trouvaient enfin, avec de l’air et de la lumière, un agréable confort, c’est à dire, les meilleures conditions du foyer familial où il fait bon habiter et vivre !… "

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6- Vue aérienne


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